Depuis plus de dix ans, la respon sabilité sociale d’entreprise (RSE) s’est progressivement insérée au cœur des débats sur la gouvernance des organisations. Cheminant entre les réflexions fréquentes sur la stratégie sur la refonte des systèmes de contrôle intra et extra organisationnels ou encore sur l’institutionnalisation du développement durable, elle est devenue un objet de recherche à part entière alors même que les pratiques en la matière demeurent embryonnaires dans les entreprises. Cependant qu’en est-il de la RSE dans le secteur public ? Désormais contraintes de fournir des informations sur leurs engagements sociétaux en faveur de la Loi 008-2014 portant d’orientation sur le développement durable au Burkina Faso, les organisations et les établissements publics semblent toutefois ne pas avoir imposés la RSE comme une démarche managériale incontournable. Dès lors, tout porte à croire que l’attentisme va rester de mise jusqu’à ce que les cadres juridiques ne deviennent trop contraignants. Il est à craindre que la RSE n’apparaisse que sous le joug de pressions institutionnelles de plus en plus fortes, renvoyant ainsi ces structures et les acteurs qui les composent dans les travers du conformisme, du mimétisme et de la passivité. Toutefois, il convient de dépasser cette vision néoinstitutionnelle de la RSE pour se pencher sur les déterminants culturels pouvant laisser entrevoir le succès de telles pratiques dans un secteur en pleine mutation. Dans cette perspective, comment démontrer que la RSE représente à ce jour une occasion à ne pas manquer pour les organisations publiques ? Mais de quoi parlons-nous exactement lorsque l’on évoque cette RSE ? Le simple fait d’aborder la notion de responsabilité nous pousse à explorer les fondements de ce qui définit la morale ou encore les valeurs pour une organisation et pour les individus qui la composent. Or c’est bien cette notion de valeur qui nous intéresse ici. La RSE et ses vertus présupposées en matière de soutenabilité, soulève la question de l’intégration de préoccupations sociales, environnementales et économiques dans les activités de l’organisation et dans ses interactions avec ses parties prenantes. L’occasion alors de repenser l’intégration des valeurs qui animent les organisations publiques aux processus décisionnels ainsi que de recréer un lien avec la société civile. En s’appuyant sur ce paradigme naissant, ces organisations peuvent même s’offrir le luxe de compléter un dogme « néo-managérialiste » si souvent critiqué et dans lequel de nombreux acteurs ne se retrouvent pas. Pour démontrer que la RSE est aujourd’hui à même de se confronter au paradoxe des valeurs multiples du secteur public.
Traditionnellement composées de coalitions d’acteurs aux aspirations et aux finalités multiples qui trop souvent s’entrechoquent, les organisations publiques restent cependant fondamentalement paradoxales et le consensus peine bien souvent à s’y structurer. La rationalité y est multidimensionnelle rendant de fait la prise de décision relativement complexe. Or l’émergence d’une démarche de responsabilité sociétale semble à même de s’inscrire dans ce paradoxe en réconciliant notamment (et non pas en homogénéisant) les cultures, les représentations et les mondes, qui composent ces structures publiques, autour de la mise au service de la société et de la primauté de l’intérêt collectif. Au-delà de la perspective instrumentale, si souvent décrite dans la littérature, la RSE pourrait donc être envisagée comme le vecteur d’un réencastrement social des organisations publiques dans la société ou encore comme un levier cognitif capable d’orienter à terme les choix d’acteurs en désaccords permanents. Ce que nous essayons de mettre évidence dans ce travail, qui reste malgré tout purement exploratoire et conceptuel, c’est que la RSE présente toutes les caractéristiques pour enfin réussir à concrétiser le changement paradigmatique tant attendu dans les organisations publiques.